J’ai récemment terminé de lire Sur les rives de la traduction, un recueil publié par la Fondation littéraire Fleur de Lys, un éditeur-libraire québécois. Sa particularité ? Il ne comporte que des nouvelles, réunies par Jean Delisle, qui ont été écrites par des traducteurs ou des interprètes.
Comme l’indique la quatrième de couverture, « Toutes les nouvelles […] mettent en scène un personnage traducteur, traductrice ou interprète », mais « leur thème n’est pas pour autant la traduction ». Les réactions ou remarques des personnages m’ont toutefois bien rappelé mon métier et la manière dont nous, les traducteurs (humains !), travaillons et réfléchissons.
Ce que j’ai également beaucoup apprécié ? Que ces nouvelles, rédigées en français québécois, m’aient permis d’élargir mon vocabulaire dans cette variante du français. Je vous présente ici certaines de mes trouvailles !
À noter que je n’inclus pas les termes québécois que je connaissais déjà au moment de ma lecture, mais ceux qui m’ont fait m’interrompre quelques instants pour en consulter la définition.
⚜️ QUÉTAINE
« Le voici d’ailleurs qui vient vers moi, une tasse de café fumant dans chaque main. Il me tend gentiment la plus quétaine des deux. »
(Chantal Litalien, Le gîte)
▪️ Ce terme signifie « de mauvais goût », ou « kitsch ». Impossible à deviner, d’autant qu’il ne ressemble pas vraiment à un autre mot qui pourrait nous mettre sur la piste ! Le site du Bureau de la traduction donne, d’ailleurs, des informations intéressantes sur son origine.
⚜️ BATTURE
« elle aperçut le grand fleuve bleu qui s’élargissait, les battures d’un vert si délicat [...] »
(Charles Le Blanc, Le détachement)
▪️ Comme l’indique Le Robert (en précisant qu’il s’agit d’un terme employé au Canada), une batture est une « partie du rivage que la marée descendante laisse à découvert ».
⚜️ LULUS
« La petite avait des lulus. »
(Charles Le Blanc, Le détachement)
▪️ Au premier abord, j’ai pensé à des accessoires, comme des chouchous (pour les cheveux). Mais en fait, non ! Ce sont des couettes.
⚜️ TOUTOUS
« Je l’aime beaucoup, ma petite sœur. Sauf quand elle met plein de bave sur mes toutous… »
(Myriam Legault-Beauregard, Un peu comme de la magie)
▪️ Ici, il aurait été assez improbable que le bébé en question bave sur des chiens (enfin, après tout, pourquoi pas !). Les « toutous » sont ce qu’on appellerait des « doudous » (peluches ou objets fétiches d’enfants) en France.
⚜️ SUR SON ERRE D’ALLER
« à 40 [ans], tu poursuis sur ton erre d’aller [...] »
(Danielle Charron, Rendez-vous)
▪️ Pour être 100 % honnête, j’ai au départ cru qu’il s’agissait d’une faute de frappe. Le Journal de Montréal m’a prouvé le contraire : « Le mot féminin "erre" désigne la vitesse résiduelle d’un navire sur lequel la force de propulsion n’agit pas. [...] D’où l’expression "être sur son erre d’aller" – propre au Québec – qui signifie "en continuant sur sa lancée" ».
⚜️ MATANTE
« Fais pas ta matante ! »
(Danielle Charron, Rendez-vous)
▪️ Je connaissais déjà le terme « matante », que j’avais rencontré pendant ma traduction du livre Le français autour de nous – Langue française et culture francophone aux États-Unis. Il renvoyait à la tante (québécoise) de l’auteur or, ici, il a une connotation plus imagée et fait référence à une femme vieux jeu.
⚜️ CRUISER
« Tu sais, Claire, ça a changé depuis le temps où tu as connu Paul. Si je ne m’abuse, c’est la dernière fois où tu as cruisé, non ? »
(Danielle Charron, Rendez-vous)
▪️ Vu ce qui est dit dans la phrase, on pourrait imaginer plusieurs sens à l’anglicisme « cruiser » quand on ne le connaît pas… En fait, il signifie « draguer » !
C’est toujours une joie pour moi de découvrir de nouveaux mots dans ma langue maternelle, qu’ils viennent du Québec ou d’ailleurs. Et les quiproquos (qui ne durent jamais bien longtemps) que certains peuvent provoquer dans une conversation, entre deux francophones issus de régions ou de pays différents, sont chaque fois un régal.
(Les images ci-dessus proviennent du site manuscriptdepot.com.)
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